CécileQuel choix avez-vous fait au moment de la reprise du travail : sevrage ou poursuite de l’allaitement ? Pourquoi ?

Au moment de la reprise du travail, mon fils avait presque huit mois. Je l’avais exclusivement allaité jusqu’à environ 6 mois avant d’introduire progressivement purées, compotes et compagnie. A ce moment la, je pensais que je remplacerais peu à peu les tétées de la journée par du lait 2ème age comme je l’avais fait pour mon ainée et que je garderais, à la reprise du travail les tétées du matin et du soir. Nous avions fait ce choix, pas trop contraignant, pour notre fille aînée, qui a été allaitée exclusivement 4 mois, puis matin et soir pendant 6 mois à la reprise du travail.
C’est la directrice de la crèche qui m’a poussée à essayer de tirer mon lait pour que notre fils boive uniquement du lait maternel. Une fois assurée qu’il serait possible de tirer mon lait sur mon lieu de travail dans des conditions pas trop désagréables (pas dans les toilettes), j’ai donc pris ma décision.
Cette décision m’aurait sûrement paru plus évidente si mon fils avait été plus jeune (moins de 6 mois). La, je me disais que c’était surement moins nécessaire, je me demandais si tous ces efforts de logistique se justifiaient…

  • Comment vous êtes-vous organisée ?

Sachant que la crèche avait un protocole spécifique pour le lait maternel (ce qui n’est pas évident car à part le lait maternel, tout ce qui est donné aux enfants est préparé sur place), il me fallait donc me rapprocher de la médecine du travail de mon entreprise pour savoir s’il y avait eu des précédents et s’il y avait des dispositions particulières pour tirer mon lait. Bien que travaillant dans un milieu très féminin dans une grosse entreprise (700 salariés), il n’y en avait pas. Le médecin du travail s’est documenté sur le sujet, a proposé que j’utilise l’infirmerie, et a informé les ressources humaines et le CHSCT.
Cela me permet donc d’avoir accès à l’infirmerie pour tirer et stocker mon lait. J’utilise un tire-lait manuel Avent et je tire mon lait une fois par jour, dans l’après-midi. Je récolte entre 300 et 330 ml. Le soir je les répartis dans 2 biberons dédiés et étiquetés par la crèche : 150 ml pour accompagner le déjeuner et 180 ml pour le goûter.
Le plus précieux, ça a été l’adaptation de mon fils à la crèche pendant 10 jours. J’ai pu « jouer le jeu » et régler peu à peu les détails logistiques pendant cette période : ne pas oublier d’emporter le(s) biberon(s), le sac thermos, ne pas oublier de rapporter les biberons le soir, faire les transvasements, laver le tire-lait et tous les biberons… Cela m’a permis d’imaginer que c’était possible.

  • Quelles ont été vos principales difficultés ?

Il n’y en a pas vraiment. Ce qui n’est pas facile c’est qu’à part le médecin, l’infirmière et une collègue, je n’ai pas informé les gens avec qui je travaille. D’où le sentiment de temps en temps d’avoir une « double vie ». Je m’absente chaque après-midi 20-25 minutes, ce qui pour le moment n’a pas suscité de réflexion ou d’interrogation de la part de mes collègues.
Ce n’est pas toujours pratique en cas de réunion l’après-midi : il faut essayer d’anticiper et parfois on se complique la vie. Par exemple, si j’ai une réunion de 14h à 17h, j’essaie d’aller tirer mon lait avant pour éviter tout « débordement ». Ce qui n’est pas forcément idéal quand c’est moi qui organise la réunion : il faut arriver à garder un peu de temps avant la réunion et arriver à être suffisamment détendue pour pouvoir remplir le biberon…
Autre difficulté, ou peut être plutôt désagrément, c’est qu’en continuant l’allaitement complet, je maintiens une lactation relativement importante, ce qui complique tout déplacement sans enfant(s) (enfin surtout celui qui tête). Je n’ai pas encore eu de déplacement professionnel, mais nous sommes partis 36 h sans enfant pour un mariage, et c’est vrai que dans ces situations, le tire-lait doit être de la partie, et utilisé régulièrement, ce qui n’est pas toujours glamour pour le week-end de l’année sans enfant…

  • Quels ont été vos meilleurs moments ?
Et bien c’est (presque) tous les jours. C’est le plaisir de se séparer le matin à la crèche sur une dernière tétée (qui est aussi le moyen de m’assurer que je pars « à vide »), et c’est le plaisir de la tétée des retrouvailles le soir.
C’est une belle aventure vécue en famille avec le soutien de mon mari. C’est voir ma fille de 3 ans donner le sein à ses poupées. C’est le plaisir de se dire qu’on donne le meilleur (de soi-même !) à son enfant, qui – on l’espère – le protègera pour l’hiver. Et puis c’est aussi se dire, une fois n’est pas coutume, qu’on respecte la nature telle quelle nous a créés, et en apprécier les cotés sympathiques comme par exemple, le retour au poids de forme sans régime…
  • Qu’est-ce que vous souhaiteriez dire aux mamans qui doivent faire un choix dans les semaines à venir ?
J’ai vécu deux expériences heureuses et faciles ayant concilié allaitement et travail. Donc le message, c’est que c’est possible !
La reprise du travail pour la maman et le début de la garde pour le bébé marquent une étape importante pour toute la famille. Ce changement majeur n’est pas toujours facile après les premiers mois souvent fusionnels. Aussi prolonger l’allaitement maternel après la reprise du travail, c’est une façon de dire à son bébé que les choses ont changé, mais pas complètement et c’est se dire que malgré la séparation, notre corps travaille toute la journée pour lui fabriquer ce lait (son dîner !), ce qui est assez incroyable quand on y pense.
D’un point de vue plus pratique, je crois qu’il faut prendre sa décision en très petit comité, et solliciter le moins possible l’avis de l’entourage (famille, amis, pédiatre, gynéco…) afin de ne pas se laisser influencer ou angoisser par des remarques des uns et des autres.

  • Ce serait à refaire, vous referiez le même choix ? Que changeriez-vous ?
Bien sûr je referais le même choix : allaitement mixte au minimum !
Ce qui doit changer, c’est la place de l’allaitement dans la société en général, et dans le monde du travail dans ce cas concret. Typiquement, je regrette de ne pas me sentir suffisamment à l’aise pour informer mon responsable de mon choix. Je n’en ai pas parlé pour ne pas avoir à me justifier, pour ne pas être jugée, et parce qu’on est déjà cataloguée en revenant de congé parental et en reprenant à 80% et que je ne voulais pas en rajouter.
Ce qui me met face à mes contradictions, car à coté de ça, ce 2ème allaitement me pousse vers un coté plus militant voire revendicatif par rapport à l’allaitement. Or pour le moment, à part entrer dans les statistiques d’allaitement maternel à la crèche et à la médecine du travail de mon entreprise, je n’ai pas vraiment le sentiment de faire bouger les choses…
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