travail et allaitement

  • Quel choix avez-vous fait au moment de la reprise du travail : sevrage ou poursuite de l’allaitement ? Pourquoi ?

J’étais un peu perdue, mon nouveau rôle de maman était compliqué, ma fille souffrait d’un RGO, de coliques, et elle pleurait beaucoup. Aussi on m’a énormément culpabilisée vis à vis de l’allaitement. En me disant que c’était à cause de cela que ma fille souffrait. Qu’elle devait avoir faim. Elle tétait énormément, environ 18 à 20 fois par jour, et dormait très peu, 4h sur 24h, la plus part du temps au sein. Forcément, pédiatre, sage femme et compagnie me disait d’arrêter, de sevrer? Alors que faire, que choisir ?
Je ne me voyais pas reprendre le travail, alors qu’elle tétait encore toutes les heures.
On me parle de me tirer le lait, pourquoi pas ? J’essaye et là , déception, je tire 3 fois rien, simple pompage en plus.
J’ai commencé à me faire à l’idée de la sevrer. Mais au fond de mon cÅ“ur, je n’arrivais pas à m’y résoudre.
Elle souffrait tellement, et était si apaisée par ces tétées, que je ne pouvais pas lui enlever ça.
Je devais reprendre fin janvier, elle aurait du avoir 2 mois et demi. Et ça me semblait insurmontable.
J’étais dans un tel état de fatigue et de stress que mon médecin m’a prolongé d’un mois. J’étais soulagée et je me suis dis que j’allais tout mettre en Å“uvre pour pouvoir continuer l’allaitement au moment de la reprise, du moins essayer.
J’ai commencé à tirer le lait, devant le peu de récolte, je décide de changer de tire-lait, et là : miracle, je tire de grosses quantités. Je suis alors motivée et congèle 7 litres de lait. Après 15 jours de prolongation par le médecin, je me sentais encore incapable de reprendre, ma fille souffrait toujours et on m’avait donné une piste à explorer : un régime sans protéines de lait de vache.
Je pose alors 15 jours de congés à la suite de la prolongation, ce qui m’a permis de reprendre qu’aux 4 mois et demi de ma fille.
Pendant le mois qu’il me restait, j’ai commencé un régime strict et il s’est avéré gagnant. Disparition du reflux, des coliques, des pleurs.
Elle a commencé à dormir la nuit (6-7h d’affilé, jusqu’ici elle ne dormait jamais plus de 2h d’affilé), elle a commencé à faire des siestes, même sans le sein ! Elle est passée de 18 tétés à « seulement » 8, et je voyais enfin une étincelle d’espoir pour ma reprise.
Ma sage-femme continuait de me dire de sevrer, de commencer le biberon etc.
Et heureusement avant de faire cela, on m’a parlé de La Leche League, je me suis inscrite à la communauté internet, et j’ai beaucoup appris. J’ai commandé des livres comme L’art de l’allaitement maternel, et j’ai acquis des connaissances. J’ai compris beaucoup de choses et j’ai arrêté de culpabiliser et d’avoir peur.
Ma fille est née à terme à 4.100kg et 53 cm, et malgré une bonne prise de poids, on n’a cessé de me dire qu’elle n’avait pas assez de lait, qu’il était pas nourrissant, pas bon, voir acide. Personne n’a jamais une seule fois admis que si elle tétait autant, c’était juste pour se soulager.
Pour mon mari et moi, il était évident qu’il y avait un lien entre les protéines de lait de vache, et tous les symptômes qu’elle avait. Les proches aussi ont dit que c’était pas possible une telle coïncidence, mais n’étaient pas à fond avec nous pour autant. Le pédiatre m’a cru ridicule et ne voulait pas explorer plus cette piste.
Mais pour moi, ça a été le vrai déclic pour continuer l’allaitement maternel. Et avec les livres, la Leche League j’étais motivée pour allaiter 6 mois exclusivement.
Me voilà armée de mon tire-lait double pompage, de mon sac Medela, et de ma motivation grandissante pour affronter la reprise.
Douloureuse cette reprise, surtout avec des seins qui « pleuraient » ma fille pendant mes longues absences.

  • Comment vous êtes-vous organisée ?

Je suis infirmière, j’allais donc être confrontée à 3 horaires de boulot (matin, soir et nuit).
J’ai prévenu mes collègues que j’allais tirer mon lait et qui ont trouvé ça honorable pour certains, bizarre pour d’autre, voir même dingue pour quelques-uns. Mais à aucun moment ils m’ont reproché quoi que ce soit.
Je faisais le boulot que j’avais à faire, je demandais toujours s’ils avaient besoin de moi, et si tout était OK, je m’isolais dans le vestiaire, où il y avait un fauteuil, un point d’eau, une prise électrique.
Quand je commençais mon service j’installais tout mon matériel pour ne pas perdre de temps. J’avais une pochette où je mettais liquide vaisselle, éponge, torchon, que je mettais sur un bord du lavabo, je branchais mon tire-lait et le posais sur le fauteuil.
Je prenais mon téléphone avec moi et je prenais 15/20min, 10min de tirage et 5 à 10min pour le nettoyage.
Sur mon téléphone je regardais l’heure mais surtout des photos ou des vidéos de ma fille afin de favoriser le réflexe d’éjection. Ou mieux encore, je me permettais d’appeler la nounou (ma mère), pour l’entendre gazouiller, avoir des nouvelles, bref avoir une pensée positive.
Une fois le tirage fini, je pouvais conserver mon lait dans un frigo dans la salle de pause du personnel.
A la fin du service, je le mettais dans la glacière fournie avec le sac Medela où un pain de glace est installé et permet de stocker jusqu’à 4 pots ou biberon de lait maternel.
Le 1er mois de ma reprise, je tirais 4 fois par jour (2 fois sur le lieu de travail, parfois sur ma pause déjeuner, quand j’en avais une. Et 2 fois à la maison)
Très vite je n’ai pu le faire qu’une fois au boulot, trop de pression, trop de travail, trop de fatigue.
Et pour finir, au bout de 2-3 mois de reprise, je ne tirais plus que 2 fois par jour, et les 2 fois c’était à la maison.
Sauf quand j’étais de soir ou de nuit, horaires qui permettaient de faire 1 à 2 tirages encore.
A la maison, réveil à 5h30 du matin TOUS LES JOURS, même pendant les jours de repos, même pendant les week end. J’ai ainsi créé une tétée fictive. Je faisais pareil à 15h.
Ce qui me permettais de tirer 200ml par tirage, donc 400ml.
Ma fille prenait 2X150ml, donc j’avais toujours 100ml d’avance pour le lendemain, ce qui me rassurait.
En fin de semaine, tout le surplus je le congelais.
Dès que le boulot était fini, c’était tétées à volonté, plus de tire-lait et ma fille au sein +++.
On s’est parfaitement adapté à ce rythme, pourtant on est parti de loin.
Mes seins ont arrêté de pleurer son absence, pour s’adapter parfaitement à ces horaires.
On est arrivé aux 6 mois d’allaitement exclusif, pour notre plus grande fierté, mon mari et moi !
A ses 7 mois jusqu’à ses 1 an, j’ai donné tous le surplus au lactarium, car je n’ai jamais eu besoin de taper dans le stock.
A ses 11 mois, une prise de sang (longuement demandée) a révélé une allergie aux protéines de lait de vache.
Par la suite on a découvert qu’elle était aussi allergique aux protéines de lait de chèvre, brebis et au soja.
C’est aussi à ce moment là où je n’arrivais plus à tirer autant de lait qu’avant. Mon pédiatre m’a dit que c’était alors la fin, et qu’il fallait la sevrer. Il avait raison, il était temps de sevrer, mais de se sevrer de ce pédiatre ! J’ai changé de médecin, et après quelques recherches sur le net, je suis tombée sur un pédiatre pro-allaitement. Il a été mon arc en ciel dans ce paysage si gris. Il m’a reboosté à fond, et m’a dit que ce n’était pas la fin non, mais une évolution de l’allaitement. Il m’a dit d’arrêter de paniquer sur la machine, et de ne plus stresser sur les quantités.
Je suis alors passée de 200ml par tirage à 100, puis à 70, puis à 50 sur quelques mois, pour ne plus tirer que 20ml à ses 20 mois.
Ne pouvant pas compenser par d’autres laitages, c’est dans la diversification que j’ai trouvé les apports nécessaires et que j’ai appris que le lait de vache n’apporte rien en réalité. Qu’on trouvait tout dans les légumes, fruits, poissons…
Comme je continue à paniquer de perdre ce lien lacté, mon « Sauveur » de pédiatre m’a dit de ne plus tirer mon lait, mais de prendre doucement ma fille dans son lit le matin, pour la mettre au sein avant de partir bosser quand je suis d’horaire du matin.
Voilà donc 15 jours que lorsque le réveil sonne à 5h15, au lieu de me diriger vers le tire lait avec la tête dans le….brouillard, je vais doucement, tout sourire, la sortir de son lit, pour la lover dans mes bras délicatement, elle ne se réveille même pas. Elle prend sa dose de bonheur, et je la repose ni vu ni connu. Mais moi je pars au boulot gonflée de soulagement.
Quand je suis de soir, elle tète tout le matin et a une tétée de retrouvaille vers 22h, seules fois où elle se couche si tard. Mais elle est trop accro pour s’endormir sans.
Quand je suis de nuit, elle tète une fois à son réveil, quand je rentre de ma nuit, puis je dors pendant qu’elle va chez la nounou (ma mère). Et je la récupère vers 14h, elle tète à volonté jusqu’à 20h30, heure à laquelle je pars pour aller bosser.
Notre aventure avec le tire-lait aura duré 17 mois.
Cela fait aussi 17 mois que nous faisons toutes les deux le régime sans protéines de lait animal et soja.
Notre histoire lactée évolue et continuera d’évoluer. Ce qui ne change pas, c’est ce plaisir qu’on partage.
Je rêve secrètement d’un sevrage naturel, quand elle l’aura décidé elle, et non pas la société ou une quelconque personne.

  • Quelles ont été vos principales difficultés ?

Trouver du temps pour tirer mon lait au travail.
Les préjugés, les remarques négatives, le réveil à 5h30 les jours de repos pour maintenir cette tétée fictive.
La peur de manquer de lait.

  • Quels ont été vos meilleurs moments ?

Le fait d’avoir eu le « choix » de lui offrir le meilleur. Et dire qu’à la naissance je pensais ne pas tenir plus de 2 mois et demi (date à laquelle j’aurais du reprendre le travail)…
Les tétées retrouvailles aussi sont d’excellents moments. Je n’en ai pas une en particulier, car elles sont toutes merveilleuses. C’est chaque jour ma bulle d’oxygène pour finir ma journée de travail.
Le soutien du papa, sa fierté et ce regard qu’il porte sur moi.
Avoir pu surmonter 2 pyélonéphrites, où à 41° de fièvre, elle ne voulait rien d’autre que mon lait. La satisfaction et ce côté rassurant de savoir que je pouvais lui apporter tout ce dont elle avait besoin à travers un bout de moi. Chaleur, câlin, réconfort, sécurité, réassurance et du lait adapté.
Avoir acquis la confiance qu’on m’avait enlevé au tout début de mon rôle de maman.
Avoir su faire confiance à mon instinct. Cette fierté que je ressens quand je m’aperçois que je viens de passer une semaine de 52h, en ayant bosser lundi et mardi en horaire du matin, mercredi en horaire du soir et vendredi-samedi et dimanche en horaire de nuit et que malgré ça ma fille eu ses 5 à 7 tétées journalières, que je prends toujours autant de plaisir et que je la vois s’épanouir sereinement.
Ce que j’adore, c’est quand elle vient avec ses yeux brillants me demander « poupou maman teplait » ou qu’elle me dit « poupou est bon et doux ».

  • Qu’est-ce que vous souhaiteriez dire aux mamans qui doivent faire un choix dans les semaines à venir ?

Ne pas se précipiter, écouter les besoins de notre enfant, et se faire confiance.
Je n’ai aucunement préparé la transition pour la reprise du boulot, si ce n’est avoir stocké du lait au congélateur, je ne l’ai pas habituée au biberon. Son 1er biberon était le jour de ma reprise, avec une tétine spéciale qui réduit le risque de confusion sein tétine. Elle a mis une semaine avant de prendre des quantités raisonnables, mais se rattrapait toujours le soir quand je rentrais.
Se rapprocher d’associations qui soutiennent l’allaitement, car seule, c’est très difficile d’y arriver.
Car quand on a des coups de mou, c’est toujours bien d’avoir du soutien de partout.
Lire un peu sur l’allaitement, pour éviter tous les « on dit » qui peuvent détruire le peu de confiance en nous.

  • Ce serait à refaire, vous referiez le même choix ? Que changeriez-vous ?

Absolument. Il me tarde déjà le prochain allaitement. Je sais maintenant tout ce que j’ai à savoir pour allier allaitement et reprise du boulot. Il me tarde, car je sais que je ne le vivrai pas de la même manière.
Moins de stress et de pression. Plus de confiance, de sérénité. J’ai vécu les premiers mois de souffrance et d’amour, mais ce qui nous a permis de surmonter tout ça, c’est l’allaitement. Ainsi ce choix est resté le meilleur que j’ai pris dans ma vie de maman.
Ce que je changerais et qu’il me semble que je change déjà , c’est le regard des gens sur l’allaitement. Je prouve que quand on veut on peut. Et surtout, je n’aurai jamais de regret, c’est le plus important pour moi.
C’est une histoire que j’écris avec ma fille, et qui restera à jamais gravée dans notre âme, une histoire que mon mari nous aide à écrire, et qui nous unis tous les 3 comme personne ne pourra jamais le faire.

Articles en rapport :