Je vous livre aujourd’hui le témoignage d’Emmanuelle. Un grand merci à elle !

Je travaille pour une association de solidarité internationale et suis régulièrement amenée à faire des missions d’une ou deux semaines dans des pays du Sud, en Afrique de l’Ouest, Afrique Centrale ou encore Asie du Sud, dans des zones souvent rurales et loin des infrastructures de santé auxquelles nous sommes habituées. A la reprise du travail j’ai été confrontée au dilemme arrêter ou poursuivre l’allaitement. Or je viens de réussir à partir 8 jours en déplacement professionnel sans ma fille, en continuant l’allaitement à mon retour, et c’est cette expérience que je souhaite partager avec les autres mères qui pourraient se retrouver face au même dilemme. J’ai moi-même beaucoup cherché de témoignages avant de partir sans pour autant trouver beaucoup de conseils pratiques, parfois même ils ont plutôt élevé mon niveau d’anxiété, face à des situations imprévues et à l’absence de préparation de certaines mères qui partageaient leur expérience. Alors ici je partage mes « trucs » pour partir plus sereine, gérer le quotidien en déplacement, et une checklist de choses à emporter avec soi pour faire face à différentes situations possibles. Si j’ai réussi c’est sûrement que les autres mères le peuvent aussi, si elles ont la possibilité et la volonté de le faire. Je suis absolument soulagée aujourd’hui de savoir je ne suis pas obligée de choisir entre mon travail et mon allaitement, et que les deux sont possibles.

Pour remettre mon expérience en contexte, je suis le genre de mère allaitante qui a eu « trop de lait », et des engorgements à répétition pendant les trois premiers mois. Ma fille vient d’avoir 9 mois, et jusqu’à très récemment l’idée d’être loin d’elle faisait surgir en moi une impression de menace vitale ! L’angoisse de la séparation, au sens affectif, si elle était présente, était estompée par la peur immédiate de problème médicaux pouvant découler du « trop de lait ».

J’ai repris le travail aux 6 mois de ma fille, « résignée » à l’idée que cela rimerait avec arrêt de l’allaitement dès le premier déplacement professionnel. Puis, plus le premier voyage approchait, moins je n’avais de volonté pour forcer une fin d’allaitement. Ma fille est une sacrée gourmande. Elle est si visiblement heureuse de téter, et affiche une préférence si nette pour les biberons de lait maternel par rapport aux biberons de lait de vache reconstitué, que je ne voyais pas le sens de lui infliger la peine d’un sevrage forcé en plus de mon absence imminente. Je suis fière des moments de tendresse ou de réconfort que nous permettent l’allaitement. Et l’arrêt de l’allaitement rimerait aussi pour moi avec tracas logistiques, fin des sorties libres et improvisées sans une smala de biberons, poudres, eau minérales et autres ustensiles en tout genre que les magasins de puériculture savent nous vendre.

J’ai pris du temps pour préparer ce voyage, et j’ai fait le grand saut, je suis partie 8 jours à l’autre bout de la planète sans ma fille. Et ça a marché ! Voici les 6 trucs qui sont devenus pour moi des incontournables pour mon prochain voyage :

1) Partir en confiance, accompagnée. J’ai trouvé une conseillère en lactation qui me connaissais, avec mon histoire d’allaitement unique, en qui j’avais confiance et que je pouvais joindre n’importe quand en cas de besoin. Ce point était d’autant plus important pour moi que j’étais amenée à voyager seule. J’ai trouvé une conseillère qui a déjà accompagnée plusieurs mères dans les problématiques de reprise du travail et de « trop de lait », et avec qui je me suis entraînée à l’expression manuelle avant de partir.

2) Pouvoir tirer son lait sans contrainte psychologique ni peur du jugement des autres. Mon truc pour y arriver était d’informer et d’impliquer les partis prenants de mon voyage dès la première rencontre. Je leur expliquais ma situation et le fait que j’ai besoin d’eux pour trouver un lieu propice pour tirer mon lait à heures fixes et non négociables, et de le prévoir dans la planification de la mission. J’ai ainsi engagé les hôtesses de l’air (24 heures et 2 escales étaient nécessaires pour parvenir à ma destination) et les partenaires locaux qui m’ont accompagné pendant toute la mission. Dès mon arrivée je leur ai expliqué que je ferais un « break » à heures fixes. « Break » était le mot magique qu’on utilisait pour pas avoir à parler de « milk pumping » ou autre vocabulaire étrange qui passerait mal dans un contexte professionnel ! On s’adaptait chaque jour à la situation, grâce à leur soutien : j’ai utilisé une salle de classe dans un village, des salles de bureau, une salle de bain chez l’habitant, des toilettes de restaurant et aéroport, quand il n’était pas possible de rentrer à l’hôtel. Mes hôtes ont été absolument extraordinaires et compréhensifs pendant le voyage. Ma conclusion est qu’avec un entourage coopératif, il est très facile de trouver un lieu adéquat pour tirer son lait, dans n’importe quelle situation.

3) Être rigoureuse sur les heures, et flexible/réactive pendant la phase d’adaptation. La règle d’or étant, qu’il pleuve ou qu’il vente, de ne pas se permettre de « sauter une tétée » (un tirage en l’occurrence). J’avais l’habitude d’une tétée le matin, deux le soir et une la nuit (et le midi au travail un simple soulagement manuel de l’excès), donc environ 4 tétées par jour. Par précaution j’ai mis des réveils qui se répètent toutes les 5h, plutôt plus souvent que d’habitude, pour penser à vérifier l’état de mes seins. J’ai pris soin de réajuster les réveils à chaque changement d’heure (et non ils ne changent pas d’heure automatiquement… !). Au final pendant les 8 jours il n’y a jamais eu plus de 6h entre chaque tirage. En revanche, ma physiologie a été comme chamboulée les 2-3 premiers jours. J’ai dû tirer mon lait 5-6 fois par jour pour éviter l’engorgement. C’est donc vraiment important de vérifier plus souvent que d’habitude au début du voyage pour laisser le corps passer une « période d’adaptation ». Quand on y pense quoi de plus normal ? Il y a tant de raisons possibles car tant de différences dues au voyage. Par exemple :

– comme je tirais mon lait au lieu d’être tétée, mes seins étaient vidés moins efficacement donc, dans l’immédiat (avant qu’un réajustement physiologique ne soit possible), ils remplissaient plus vite.

– le décalage horaire qui a fait que, en l’absence de repères horaires et de repères jour/nuit, mon corps a produit beaucoup de lait tout le temps (sans les trêves habituelles le midi et la nuit).

– pendant les vols j’ai eu l’impression que la position fixe assises avec les vibrations « stimulaient » le remplissage de mes seins tout en les « anesthésiant » (attention ! au 1er vol ils sont devenus durs sans que je ne ressente aucun inconfort, d’où les checks réguliers à s’imposer pour éviter cela).

– ma nourriture était subitement complètement différente, et, en l’occurrence, est devenue très épicée (Inde).

La conclusion c’est qu’il faut s’attendre à une phase d’adaptation et être flexible en soulageant ses seins aussi souvent que nécessaire, et en mettant des réveils comme « garde-fou ».

4) Avoir l’équipement adéquat et plusieurs cordes à son arc pour tirer son lait. En cabine d’avion vous ne pourrez prendre qu’un tire-lait avec batterie. Moi je n’en n’avais pas donc toutes les périodes de voyage (24h aller et 24h retour) se sont passées en expression manuelle. Tout le reste du temps j’alternais tire-lait électrique (Medela Pump in Style), plus rapide et efficace. Mon truc pour ne pas surstimuler : je n’utilisais le tire lait-électrique que 3 fois par jour, le reste du temps j’exprimais mon lait manuellement, ce qui me permettait aussi de reposer mes aréoles du tire-lait. J’ai mis 6 mois à réaliser que l’inconfort permanent que je ressentais avec le tire-lait électrique venait :

– d’une part de téterelles trop grandes : je fais du 17-19mm mais la plus petite taille que Medela commercialise est du 21mm. Heureusement Maymom vend des téterelles en 15-17-19mm compatible avec les tire-laits Medela

– d’autre part mon tire-lait électrique ne me convenait pas (un autre Medela). Il fallait plus de deux minutes pour que le lait commence à couler. Un peu par hasard j’ai essayé le Pump in Style, et la sensation était complètement différente et le lait commençait à couler en quelques secondes. Ce tire-lait est rapidement devenu mon meilleur atout pendant le voyage.

J’avais deux alternatives avec moi : un tire-lait manuel, et l’expression manuelle. Pour moi c’était clé de savoir que je maîtrisais l’expression manuelle, que j’avais pratiqué avec ma conseillère, pour faire face aux situations imprévues (surtout si pas de prise pour le tire-lait car il n’avait pas de batterie). Un bon test pour savoir si vous avez le bon matériel : avant le voyage, essayer 2-3 jours uniquement en tirant votre lait. Si quelque chose ne convient pas il est probable que des douleurs ou blocages apparaissent. C’est comme ça que je me suis décidée à consulter car dans mon cas c’était trop douloureux de tirer mon lait tout un week-end.

5) Se connaître et savoir créer des conditions propices pour tirer son lait. Ennemi numéro 1 : le stress ! Dans mon cas c’était flagrant : du stress, un malaise, des douleurs, ou de la presse, et pas d’écoulement de lait, même (ou surtout !) avec le tire-lait. Chacun ses trucs qui marchent, moi c’était une vidéo de ma fille qui tête (radical !), un petit massage des omoplates avec une balle de tennis dos à un mur, et des respirations profondes pour me relaxer avant de tirer mon lait.

6) Pas de panique ! Je sais maintenant qu’il peut être normal d’avoir une phase d’adaptation ou la lactation semble être inhabituelle, trop abondante dans mon cas. Cela s’accompagnait d’une réaction légèrement inflammatoire (probablement due au mécanisme de succion différent), mais dès que cela devenait perceptible je prenais un ibuprofène et tout rentrait tout de suite dans l’ordre. J’alternais aussi les différentes façons de tirer mon lait pour ne pas créer de tension trop récurrente sur mes aréoles, l’expression manuelle étant une bonne alternative « relaxante » au tire-lait. Et si au début il peut y avoir « trop de lait » et des tirages un peu anarchiques, j’ai pu voir qu’e c’est bien la loi de l’offre et la demande qui prévaut in fine, car en deuxième partie de voyage ma lactation a commencé à baisser significativement.

Et pour une liste de matériel qui me semble utile pour être parée en toute situation :

  • Pour l’expression manuelle : un flacon, un tissu/serviette pour protéger ses habits
  • Le(s) tire-laits, avec prises et adaptateur compatible avec le pays, un accessoire et valve de pompage de rechange en cas de perte/ défaut, des piles si nécessaire
  • Un bustier en cas de double pompage
  • Une balle de tennis pour se masser le dos contre un mur
  • Une vidéo et des photos de l’enfant si vous y êtes sensible
  • Une lampe frontale en cas d’absence d’électricité nocturne
  • Des compresses thérapeutiques de gel qui vont au congélo et aux micro-ondes et qui peuvent être utilisées soit pour chauffer soit pour refroidir le sein en cas d’engorgement (je n’en n’ai pas eu besoin)
  • De l’ibuprofène, à utiliser sans état d’âme !
  • Vos remèdes médicinaux à base de plantes si vous en avez
  • Un petit sac passe partout que vous ne serez pas gêné d’avoir toujours avec vous-même en contexte professionnel, pour y mettre tout ceci

 

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