Qu’est-ce qui vous a motivée pour poursuivre l’allaitement au-delà de la reprise du travail ?

En fait, je n’avais même pas idée que je pouvais être capable de tirer mon lait et de poursuivre l’allaitement malgré la fin du congé de maternité et la reprise du travail ! Lorsque l’on me posait la fatidique question « Quand vas-tu arrêter de l’allaiter ? », je répondais que j’avais l’intention de l’allaiter exclusivement jusqu’à l’entrée en crèche, c’est-à -dire jusqu’à ses cinq mois et demi. Il me semblait évident que je n’aurais d’autre choix avec un tel mode de garde que de donner des biberons de lait infantile à ma fille lorsqu’elle serait gardée à la crèche en journée. L’objectif que je m’étais fixé, d’allaiter ma fille jusqu’à ses six mois, était presque atteint. Malgré tout, je n’avais pas le cÅ“ur à la sevrer. Le sevrage, la séparation, la reprise du travail cela faisait déjà beaucoup trop de choses pour moi, alors comment était-il possible que ce ne soit qu’une formalité pour mon bébé ?

J’eus la chance de faire deux rencontres déterminantes : la médecin de la PMI où est suivie ma fille et la Directrice de la crèche où elle allait être gardée. Toutes les deux m’avaient demandé comment serait nourrie ma fille en mon absence. Lorsque je leur ai dit que j’avais l’intention de donner du lait infantile en journée et que je souhaitais très fort maintenir l’allaitement le matin et le soir, elles m’ont encouragée à tirer mon lait pour le déposer en même temps que ma fille à la crèche le matin. Je n’ai donc pas hésité une seconde ! Ma fille a aujourd’hui quinze mois, elle est toujours allaitée en complément de son alimentation largement diversifiée. Jamais je n’aurais imaginé poursuivre l’allaitement aussi loin et jamais je ne remercierai assez ces deux femmes de m’avoir présenté l’idée d’allaiter au-delà de la reprise du travail avec autant de naturel. Et surtout, en dépit de toutes les idées reçues véhiculées dans notre société au sujet des contraintes qu’engendrerait l’allaitement !

Comment vous êtes-vous organisée ?

Pour poursuivre mon allaitement, il a fallu que j’aménage ma reprise du travail. En fait, à l’issue du congé de maternité, j’ai demandé à mon entreprise un congé d’un an qui m’a permis d’exercer une activité en tant qu’indépendante avec la possibilité de retrouver mon poste. Ma fille était gardée en crèche la journée et je travaillais à domicile, ce qui me permettait de tirer mon lait (trois fois par jour les premières semaines puis deux et enfin une seule fois par jour par la suite). Cet aménagement d’un an m’a aussi permis de poursuivre l’allaitement d’autant. Sans cela, mon travail se trouvant à plus de deux heures quotidiennes de transport en commun de mon domicile et mon bureau étant en open-space, je pense que la fatigue et le stress auraient eu raison de ma lactation bien plus tôt. Je vais reprendre mon poste lorsque ma fille aura seize mois et demi, et j’aimerais qu’elle se sèvre progressivement et naturellement. À plus de quinze mois, nous avons passé un cap. J’envisage petit à petit le sevrage avec sérénité parce que j’ai le sentiment d’avoir pu vivre les choses comme je l’entendais. Je tire un véritable accomplissement de cette expérience d’allaitement.

Quelles ont été vos principales difficultés ?

Durant mes six premiers mois d’allaitement, de petits caillots de lait me provoquaient régulièrement des engorgements. Avant que je ne comprenne comment résoudre le problème simplement, cela a été douloureux. Le problème a aujourd’hui quasiment disparu comme il est venu.

J’ai aussi fait trois mastites avec fièvre et pour lesquelles seuls les antibiotiques ont permis de me soulager rapidement.

Pour préparer l’entrée de ma fille en crèche, j’avais constitué des réserves de lait maternel au congélateur. J’ai découvert avec stupéfaction quelques semaines plus tard que mon lait prenait une odeur de lait rance lors de la décongélation et ma fille refusait de le boire. On m’a expliqué par la suite que ce problème était dû à la concentration d’une enzyme appelée lipase, plus importante chez certaines mamans que d’autres. Pour éviter cela, il suffit de chauffer à 50-60°C le lait tout juste tiré dans une casserole. Cela a quelque peu alourdi mon organisation puisque j’ai beaucoup utilisé la congélation pour conserver mon lait.

Quels ont été vos meilleurs moments ?

Bien évidemment, les tétées de retrouvailles restent des moments particulièrement tendres et agréables. Certaines tétées pendant des siestes ou de nuit demeurent inoubliables. D’autres tétées laissent d’impérissables souvenirs parce qu’elles ont lieu à des moments ou à des endroits où l’on ne se serait jamais imaginé allaiter auparavant (en travaillant, devant mon ordinateur, par exemple !). Ce que je qualifierais de « meilleurs moments » sont ces moments où je me suis sentie comme frappée par la grâce, alors que je ne m’y attendais pas, parfois au beau milieu du quotidien C’est là , la magie de l’allaitement et ce qui le rend irremplaçable !

Qu’est-ce que vous souhaiteriez dire aux mamans qui doivent faire un choix dans les semaines à venir ?

Moi-même, je ne savais pas que tout cela était possible. Je mesure au temps qu’il m’a fallu pour m’affranchir moi-même de toutes les fausses idées reçues au sujet de l’allaitement combien certains préjugés sont profondément ancrés dans notre société ! Au début de l’allaitement, je n’imaginais pas allaiter au-delà de six mois. Après six mois, j’ai repoussé le cap à un an, et ce n’est que depuis que nous avons passé le cap de la première année que je m’autorise à parler de sevrage naturel. Quand je regarde d’où je suis partie, je me dis que nous avons parcouru un sacré bout de chemin et rien n’aurait été possible si je n’avais pas été soutenue et épaulée par mon mari dans cette démarche. C’est une aventure que nous menons tous les trois et je crois pouvoir dire que toute la famille en tire bénéfice. En définitive, si l’on m’avait dit, même encore au stade de la grossesse, que j’envisagerais un jour le sevrage naturel pour mon enfant, j’aurais trouvé cela aussi invraisemblable que marginal ! Il est donc important de pouvoir faire un choix en connaissance de cause et je suis dorénavant persuadée que trop de mamans passent à côté de l’allaitement faute d’informations et de soutien, s’en tenant aux préjugés trompeurs de notre société. La première difficulté, dans tout cela, c’est finalement de faire son choix dans un contexte encore trop souvent hostile à l’allaitement. Il faut aussi savoir que les personnes défavorables à l’allaitement sont bien souvent des gens qui le méconnaissent et qu’une personne qui connaît bien l’allaitement y est rarement hostile. Il est donc important de frapper aux bonnes portes pour faire son choix !

Ce serait à refaire, referiez-vous le même choix ? Que changeriez-vous ?

Je referais, bien sûr, le même choix ! Il m’a toutefois fallu du temps pour trouver les bons soutiens (La Leche League, le blog A tire d’ailes notamment). En m’adressant aux personnes compétentes dès le départ, certaines des petites difficultés que j’ai rencontrées au cours de ces quinze mois d’allaitement auraient été réglées bien plus vite. J’essaierais aussi d’être moins stressée. J’ai toujours eu peur de manquer de lait et je n’ai jamais vraiment cessé de tirer mon lait au moins une fois par jour en l’absence de ma fille, même encore aujourd’hui alors qu’elle a quinze mois ! Je ne me sens tranquille qu’avec un tiroir de congélateur plein ! Il faut dire que ma fille boit encore 200 à 300 ml de lait maternel par jour lorsqu’elle est à la crèche, en plus de laitages et de la diversification alimentaire. Je pense que si c’était à refaire, j’essaierais de lâcher un peu de leste de ce côté-là et au besoin, passé un an, j’essaierais de remplacer les biberons de lait maternel de la journée par des laitages solides, surtout s’il n’y a pas d’allergie au lait de vache. J’espère que cette première expérience m’aidera à aborder les choses plus sereinement si j’ai un jour un deuxième enfant !

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